Connaissez-vous l’astroturfing ? L’astroturfing désigne des techniques de propagande manuelles ou algorithmiques utilisées à des fins publicitaires ou politiques ou encore dans les campagnes de relations publiques, qui ont pour but de donner une fausse impression d’un comportement spontané ou d’une opinion populaire sur Internet.
Serait-il le stade ultime d’une pratique théorisée par Bernays et les autres pères des relations publiques ? Ultime rien n’est moins sûr mais l’efficacité de la pratique est on ne peut plus prouvée. L’astroturfing montre de manière assez claire que les stratégies mises en place par les marques, les gouvernements ou les politiques sont bien les enfants d’une même pratique et répondent à une ambition commune : « comment influer sur des individus pour leur faire faire ou penser ce que l’on veut ? »
Faux profils, armée d’internautes payés pour rédiger des avis dans un sens ou dans un autre, bots, ciblage précis, déstabilisation des candidats ou mise en avant de fakenews… l’astroturfing peut prendre des visages divers. Mais pour mieux comprendre le fonctionnement de ce renouveau du marketing politique, penchons-nous sur une pratique développée par Cambridge Analytica. C’est ici qu’interviennent pêle-mêle les pratiques marketing courantes, la data emmagasinée par les plateformes, la micro influence…
Commençons par poser votre ambition : vous souhaitez gagner des élections.
Vous devez donc persuader la majorité de voter pour vous, mais vous n’allez pas vous attaquer à la globalité des électeurs. Ceux qui vous sont acquis ne sont pas un sujet, pas plus que ceux qui vous sont franchement hostiles en revanche la zone grise des indécis sera votre terrain de chasse. Et dans cette zone grise tout le monde ne se vaut pas en terme stratégique, certains ont une influence sur les autres, c’est ceux là qu’il faut convaincre.
C’est là que les pratiques issues du marketing et les données des réseaux sociaux vous sont précieuses. Facebook, par exemple, est une source sans fin de connaissance : outre les informations livrées par l’internaute à son inscription, il « like » des pages, des publications, il joue à des jeux, il répond à des tests (« Quel animal êtes-vous ? Quel héros ? Quel est votre QI ? …). Autant d’informations que Facebook est heureux de vous donner (le fameux ciblage publicitaire de Facebook) mais que vous pouvez collecter en direct en étant la source de ces questions, tests, articles…
Vous voilà capable de faire des ciblages tellement précis (jusqu’à 100 points d’entrée), que vous savez que le message que vous délivrerez à vos fameux influenceurs de la zone grise leur parlera directement. Il existera autant de messages que de groupes créés. La créativité du message vous est laissée, certains – et ce fut le cas de Cambridge Analytica – allant jusqu’à la mise en avant de fakenews dans de fausses parutions… La peur d’être pris ? inexistante car vous pouvez même transformer vos posts en black posts (la durée de vie est comptée et ils n’apparaissent plus dans les pages qui les ont portées…). En multipliant les typologies de messages, les prises de paroles, les points d’inflexion, vous les amènerez à voter pour vous. Puis vous laisserez agir leur pouvoir d’influence.
Félicitations, le système de vote et les quelques milliards de vos amis aidant, vous êtes à la tête des Etats-Unis.
Evidemment ce cas peut-être décliné pour servir un gouvernement en place, pour sortir de l’Europe ou par un état étranger qui souhaite déstabiliser un gouvernement… ou éventuellement vendre des souliers.
Vertigineux les réseaux sociaux, n’est-ce pas ? Et soudainement cette phrase de Noam Chomsky « La propagande est à la démocratie ce que la violence est à la dictature »