Vous êtes Docteure en Astrophysique et Physique Appliquée, quels sont votre parcours et vos motivations ?
Issue d’un milieu modeste avec des parents qui ont dû arrêter l’école très jeunes, le principe de « réussite par l’éducation » fut au cœur de mon enfance et m’accompagne encore aujourd’hui. Il a constitué une de mes plus fortes motivations, me guidant jusqu’au grade de docteur. En ce qui concerne la physique, cela relève plus du désir de comprendre le monde qui nous entoure. S’éduquer c’est bien, mais sur une discipline qui nous passionne c’est mieux !
C’est ainsi que j’ai choisi le magistère de physique fondamentale à l’université Paris Sud 11 pour obtenir ma licence. Ont suivi ma spécialisation en astrophysique et plus particulièrement celle en sciences planétaires pour mon master. A ce niveau-là, je voulais voir ce qui se passait hors du circuit académique, j’ai donc fait une césure d’un an à l’Agence Spatiale Européenne aux Pays Bas. Pour enfin revenir en France et effectuer ma thèse de doctorat qui s’est terminée l’année dernière (2017).
Votre thèse s’intitulait « Simulations de laboratoire de la photo-dynamique VUV dans l’atmosphère de Titan. » pouvez-vous nous en dire plus ?
Titan est le plus grand satellite de Saturne, la belle planète géante aux anneaux. Il est étonnant par bien des aspects, plus particulièrement de par son atmosphère, très dense pour un satellite de petite taille (elle monte à environ 1 500 km contre 100 km sur Terre). De plus, sa composition étonne aussi : composée majoritairement d’azote (comme sur Terre) et de méthane, elle rappelle les conditions présentes sur la Terre dite Primitive, c’est-à-dire avant l’apparition de la vie. Observer Titan nous permet ainsi d’en apprendre plus sur ces conditions, cruciales pour comprendre les origines de la vie sur Terre. Le but de ma thèse était de reproduire en laboratoire l’atmosphère de Titan. Plus précisément, je m’intéressais à l’interaction des gaz avec le rayonnement solaire très énergétique (Ultra-Violet) qui va initier toute une batterie de réactions physico-chimiques dès les plus hautes couches atmosphériques. Concrètement, nous avons reproduit le Soleil dans un tube de 30 cm que nous connectons à une cuve contenant les gaz. Nous avons énormément appris sur les processus en jeu avec cette méthode, d’autant plus que la mission Cassini Huygens, qui orbitait autour de Saturne et Titan, s’est terminée en septembre 2017.
Vous avez eu le prix de la vocation scientifique et technique des filles en 2008, quelle est la raison d’être de ce prix ? Avez-vous hésité à embrasser une carrière scientifique parce que vous êtes une fille ?
Oui, j’ai reçu ce prix alors que je terminais ma terminale S. Porté par différents ministères, il a pour vocation d’encourager des jeunes filles qui souhaitent s’engager dans des études où elles sont encore minoritaires. Ce fut un véritable coup de pouce et un encouragement pendant une période où j’étais encore un peu hésitante à m’engager dans les sciences dites dures. Cependant, je ne pense pas m’être posée beaucoup de questions en amont, un peu naïve sur les effets qu’une sous-représentation peut avoir au quotidien. De plus, ma peine est multiple : genre, couleur de peau et groupe social. J’ai assez rapidement compris que mon parcours n’allait pas de soi et que je ne serai pas forcément traitée comme les jeunes hommes blancs autour de moi ; mais cela n’allait pas me freiner pour autant. Au contraire, j’avais tout à prouver.
Pourquoi les jeunes filles devraient envisager plus une profession scientifique ?
Sans « l’envisager plus », elles devraient tout simplement l’envisager, comme tout autre domaine. La diversité est une richesse, encore sous exploitée. Par exemple, nous voyons apparaître de plus en plus de biais induits par un manque de représentativité dans les nouvelles technologies, comme l’intelligence artificielle. Une technologie développée uniquement par des hommes finira par être pensée pour des hommes et risquera de manquer 50% de l’humanité. Donc, go girls !