Après une thèse de Doctorat à l’école des Mines vous avez passé deux ans comme chercheuse postdoctorale en biomécanique numérique à l’université d’État de Pennsylvanie. Vous avez ensuite rejoint le MIT (Massachusetts Institute of Technology) pour modéliser, grâce au code, des modèles de comportement mécanique des tissus biologiques – notamment des tissus du cœur et du cerveau. Aujourd’hui vous venez de commencer une nouvelle aventure à Bloomberg dans le service de Recherche et Développement à New-York, où vous vous travaillez comme « Senior Software Developer ».  Qu’est-ce qui vous a conduit à vous engager dans la voie de la biomécanique numérique ?

Je dois admettre être tombée dans cette discipline par un concours de circonstance, une chance, une opportunité en quelque sorte. En 2009 après avoir soutenu ma thèse en mécanique numérique des matériaux mous (élastomères), je cherchais un poste de chercheuse postdoctorale aux USA pour 1 ou 2 an(s). Je me souviens qu’il y avait peu de postes à l’époque et ce à cause de la crise économique qui venait de frapper de plein fouet les US.

Un professeur de l’Université d’État de Pennsylvanie, le Professeur George Engelmayr, à la tête d’un laboratoire de médecine régénérative, m’a contactée après avoir vu mon profil sur un site professionnel d’échanges entre mécaniciens numériques. Il m’a convaincue de le rejoindre pour utiliser mon savoir-faire en modélisation morphologique (modélisation des formes) et en mécanique numérique, pour comprendre comment recréer in vitro des tissus du myocarde pour réparer le tissu malade après un infarctus. George Engelmayr venait de publier un magnifique article dans la revue Nature Materials dans lequel il décrivait sa technique expérimentale permettant de recréer un tissu du myocarde en laboratoire.

Je ne connaissais que très peu de choses sur la biomécanique numérique qui était peu développée à l’époque en France en comparaison avec les Etats-Unis. J’ai ensuite continué pendant 5 ans dans cette magnifique discipline au MIT en travaillant sur les tissus du cerveau humain dans le cadre de traumatismes crâniens.

Vous êtes très engagée pour l’égalité, pouvez-vous nous expliquer comment vous est venue cette volonté de défendre la place des femmes ? Est-ce parce que vous avez été vous-même victime de sexisme ?

J’avoue tout, j’ai eu l’immense chance d’avoir été élevée par un grand-père féministe qui m’a toujours donné le courage et la volonté de faire ce que je voulais sans me préoccuper du regard des autres et de ma place dans la société. Grâce à lui j’ai pu autant faire du volley-ball que du rugby (mes quelques cicatrices dont je suis fière me le rappellent… rires). Je dois beaucoup à mes grand-parents. Durant mes études et ma jeune carrière j’ai toujours évolué dans un milieu à dominante masculine et j’ai malheureusement expérimenté quelques comportements sexistes. Ces comportements, souvent involontaires, restent pour autant nocifs pour les femmes et nous devons reprendre ces comportements en “live” en répondant toujours de manière courtoise et constructive (l’humour aide dans ces cas précis).

Mes grand-parents m’ont appris à redonner aux autres, cette fameuse notion du “give it back” très présente aux États-Unis. J’essaie de redonner aux autres jeunes filles et femmes en les aidant, les écoutant, les soutenant et les inspirant, nous avons tous besoin de modèles afin de croire en nous et d’avancer. Les femmes travaillent en échange d’un salaire et ont des carrières depuis peu dans l’histoire de l’humanité, nous cherchons encore notre place et nos règles de réussite, c’est un chemin un peu long mais nous avançons, et ce chemin se fera aussi grâce au soutien des hommes!

Pouvez-vous nous en dire plus sur les actions que vous menez pour soutenir les jeunes femmes et les encourager à s’engager dans la voie du codage informatique ?

Mon action s’articule principalement sur demande et de la façon suivante : je participe à des discussions, j’écris des articles, posts, je réponds à des interviews et je « mentore » des jeunes filles (et jeunes hommes ! ).

Récemment j’ai participé à la Journée de la Femme Digitale organisée par la célèbre Delphine Remy-Boutang (quelle femme ! ) et ai échangé avec Mari-Noelle Jego-Laveissere (Innovation, Marketing & Technologies Executive VP d’Orange) sur les bénéfices du code informatique dans nos sociétés et en particulier pour les femmes.

Mon intervention télévisée sur le thème du Code Informatique et des Minorités, pour le reality TV show « RoadTrip Nation » sur PBS (Public Broadcasting Service, chaîne TV nationale Américaine NDLR), devrait être prochainement retransmise.

Depuis mon arrivée à Bloomberg, en plus de participer aux activités de BWIT (Bloomberg Women In Tech), je m’implique également au sein du groupe de femmes homosexuelles et transgender dans le milieu Tech. J’ai découvert au contact de mes proches que ces femmes étaient souvent victimes d’une double discrimination et je pense que nous pouvons avoir encore plus d’impact en nous unissant vers une mission commune !
Parmi mes précédentes actions, je crois que l’expérience qui m’a le plus marquée est le Google Hangout organisé par la charmante et combattante Athelene Gosnell (soutenant l’association Code Breakers) que j’ai fait en 2015 avec des jeunes collégiennes du Kensas (Collège de Trailridge). Cette association finance des cours informatiques pour des collégiennes afin qu’elles puissent programmer un robot et les exposer aux sciences numériques. En parallèle de ce projet, des discussions sont organisées avec des femmes ayant réussi dans le milieu de la programmation informatique afin d’inspirer ces jeunes filles et de les guider. J’ai eu l’honneur de lancer cette série de rencontres en étant la première à partager avec ces jeunes filles mon expérience et à échanger sur leur perception des femmes dans les STEM (Sciences Technologie Ingénierie et Mathématique) et la programmation.

Le nombre de jeunes filles abandonnant les sciences au lycée ne cesse d’augmenter aux USA, cette tendance est assez inquiétante je pense, il faut donc agir vite et tôt dans leur cursus scolaire. J’ai été très émue par ces jeunes filles qui n’ont pas forcément la chance que j’ai eu d’être entourée d’un grand-père féministe et ouvert sur beaucoup de plans. Elles sont formidables, pleines de volonté et de force. J’espère avoir eu un impact sur ces jeunes filles, elles ont certainement eu un impact sur moi. Après nos échanges, j’ai encore mieux compris comment je pouvais davantage les aider : leur parler et les écouter!

Avez-vous des modèles, féminins ou masculins, qui vous inspirent ?

Beaucoup!! Certains le savent, d’autres ne s’en doutent absolument pas (rires…). C’est un mélange intéressant de femmes et d’hommes, certains dans ma discipline scientifique, d’autres dans des domaines très variés. Le point en commun entre ces personnes est l’image qu’ils m’inspirent. Chacun de nous, et à notre façon, peut être un modèle pour l’autre, par sa force, son courage, son ambition, son équilibre de vie, son attitude ou tout simplement sa philosophie de vie. Je suis personnellement très attirée par les gens qui font les choses pour eux-mêmes en suivant leur propre voie et qui réussissent tout en prenant soin des autres sur leur chemin. Parmi mes modèles, en plus d’amis proches, j’ai aussi des personnes de ma famille parmi lesquelles mon grand-père (1934-2008) qui reste pour moi un modèle, son action envers les femmes m’a toujours donné énormément d’espoir! Parmi mes modèles j’ai aussi des femmes et hommes célèbres, contemporains ou pas, qui par leur mission et leur impact sur notre civilisation, ont permis aux femmes de gagner toujours un peu plus de liberté et aux hommes de croire en elles. Enfin mon compagnon, sans le savoir, par son énergie, sa détermination et son expérience, me pousse à me surpasser par l’exemple, je l’observe et j’apprends.

Quels conseils donneriez-vous aux jeunes filles qui souhaiteraient ou hésiteraient se lancer dans cette voie ? 

De me contacter au plus vite! (rires…) Je ne plaisante absolument pas, j’adore discuter avec les jeunes filles des opportunités entourant cette voie excitante, enrichissante et stimulante intellectuellement. J’ai envie de comprendre pourquoi elles hésitent… Je suis toujours prête pour un google hangout à plusieurs! Le code et ses merveilles peuvent vous transporter loin, humainement et intellectuellement, je vous assure!