Interview d’Eva Nielsen – Artiste – dans le cadre des Femmes de l’ESR

On naît artiste ou on le devient ?

Je serais tentée de répondre que c’est un peu les deux… C’est une intuition forte, que l’on peut ressentir jeune mais c’est aussi un parcours qui se construit au fil des années. Si l’on se réfère aux deux monstres sacrés, Matisse et Picasso, leurs deux chemins sont valables ! Le premier s’est mis à peindre après ses vingt ans, alors que le premier a peint quasiment immédiatement, dès son plus jeune âge… L’envie peut être présente très vite mais c’est avant tout la décision de devenir artiste qui est primordiale.

Lorsqu’il devient évident qu’une vie sans art – sans un art entier, quotidien, permanent – est impossible. C’est cette décision qui crée l’artiste.

Le choix d’embrasser cette carrière a-t-il été difficile ?

Oui. On en revient à cette fameuse décision dont je parlais précédemment. Personnellement, j’étais terrifiée par ce choix, et j’ai essayé de le contourner, voire de l’éviter en étudiant après le bac la littérature et l’histoire… mais, progressivement, je sentais que la nécessité d’être artiste s’imposait – contre mon gré ! J’ai été soulagée quand j’ai été reçue aux Beaux-Arts, je me sentais pour la première fois à ma place. J’étais fascinée par le fait de me retrouver parmi des apprentis artistes avec des parcours très variés. Je me souviens du plaisir que j’avais à lire toutes les options possibles : modelage, dessin, photographie, impression, …

Est-ce qu’être une femme a été problématique dans votre apprentissage ? Existe-t-il un sexisme dans le milieu de l’art ?

Au cours de mes études, j’ai entendu à plusieurs reprises des remarques sexistes. Je ne sais pas si cela se voulait de l’humour ou une manière de déstabiliser les élèves. Je n’ai jamais trouvé cela drôle pour ma part, et, ayant été élevée par un père danois d’une manière « sans genre », je dois même avouer que je me sentais totalement étrangère à ces remarques qui me paraissaient des clichés obsolètes. Je ne me suis jamais dit que je serais une moins bonne peintre du fait de mon genre, et tant mieux.

Vous sentez vous féministe ? (si oui en quoi cela joue-t-il sur votre travail)

Si être féministe signifie prendre soin de nos droits et oeuvrer pour davantage d’équité dans tous les domaines, alors oui, évidemment ! Les droits des femmes – quand ils existent – sont les premiers attaqués en période d’instabilité politique, comme nous le démontre constamment l’actualité.
Cependant, je ne pense jamais à ces questions quand je peins et c’est précisément une chance de ne pas avoir à y penser… la peinture n’est ni féminine ni masculine car je crois profondément que ces deux adjectifs n’ont absolument aucun sens.

Retrouvez le travail d’Eva Nielsen : http://www.eva-nielsen.com/

Elle est représentée par Jousse Entreprise (Paris), Selma Feriani (Tunis/London),The Pill (Istanbul)