Il fascine, il fait peur, il promet à l’Homme d’être Immortel ou il cherche à faire de nous des surhommes mais qu’est-ce que le transhumanisme ?

Fabrice Nabet est notre guide…

Fabrice Nabet, vous êtes directeur conseil dans le monde de l’innovation et vous écrivez notamment pour le site iatranshumanisme.com. Vous aimez particulièrement remettre en question les prospectives pour les Intelligences Artificielles et le transhumanisme. Justement quelle est votre définition du transhumanisme ? Où commence-t-il ?

C’est une question assez difficile car elle peut recouvrir, en fonction de celui qui en parle, de nombreux domaines et terrains !

Avant tout le transhumanisme repose sur le progrès. Et particulièrement celui de certaines disciplines comme la médecine, la technologie, l’informatique, la robotique et les intelligences artificielles. Il véhicule un passé chargé de fantasmes et d’imaginaires. Pour certains, le transhumanisme est avant tout la lutte contre la mort, pour d’autres, on parle de transhumanisme lorsque l’on utilise des prothèses bioniques en cas d’amputation ou de malformation.

Pour moi, le transhumanisme pourrait se définir comme « toute innovation qui apporte à l’homme ce qu’il n’a pas par nature, tout ce qui « augmente » notre condition physique et mentale. »

En tout cas, quelle que soit la définition sur laquelle on s’arrête, les frontières que l’on dessine pour parler de ce sujet, il y a une chose qui me semble particulièrement propre à ce courant : le transhumanisme est difficilement compatible avec la religion !

C’est-à-dire ?

Je pense que nous sommes à une époque charnière, l’époque où « l’homo deus » est en train de naître. La science donne aux Hommes des compétences et des pouvoirs sur le vivant et son habitat qui lui permettent d’aller vers un terrain dévolu à Dieu ou la Nature. Dans ce cadre, si l’Homme peut devenir immortel, s’il peut créer et se repenser, quelle place laissons-nous à Dieu ?

Comment vous êtes-vous intéressé à ce sujet ?

Il y a un peu plus d’un an, je me suis dit qu’au regard de ce qui se passait ici mais surtout en Chine, il nous fallait être vigilants, et c’est ce devoir de vigilance qui m’a fait m’intéresser à ces questions. J’avais envie de savoir où nous en étions, comment les choses évoluaient, me tenir au courant pour être en mesure d’alerter, de remettre en question (ou en tout cas de chercher à encadrer) ce qui semblait être notre destin.

Sans alarmisme ni naïveté excessive vis-à-vis de la technologie, car je pense que, tout comme ce n’est pas la technologie qui est bonne ou mauvaise mais son utilisation, c’est la place laissée à l’éthique, à l’humanisme, justement dans les courants transhumanistes, qui est à considérer.

Vous n’êtes pas un détracteur du transhumanisme. D’ailleurs, pour vous, le transhumanisme est la condition sine qua non à la survie de notre espèce… 

Oui je pense qu’effectivement si l’humanité veut avoir un avenir à plus de 100 ans, elle ne pourra y parvenir sans science. Dans ce sens, le transhumanisme à raison : l’Homme tel qu’il existe aujourd’hui n’est pas apte, n’est pas assez performant et il lui faut l’appui de la technologie pour sa survie.

Je m’explique et j’invoque ici les thèses de Lamarck et Darwin à savoir l’évolution des espèces. Il faut garder à l’esprit l’échelle de temps qu’il a fallu pour l’évolution des premiers homos sapiens jusqu’à nous, soit environ 300 000 ans. 300 000 années faites d’évolutions et d’adaptations lentes qui ont permis à l’Homme, et autres espèces présentes en même temps que nous, de survivre jusqu’à aujourd’hui.

Maintenant si l’on considère les changements que subit notre environnement depuis le siècle dernier et la vitesse à laquelle ces changements opèrent, il devient évident que si nous voulons avoir une chance de survivre, il va nous falloir « hacker notre évolution », c’est-à-dire avoir recours à la technologie pour nous permettre de nous adapter plus rapidement que la nature ne le fait. D’autant plus que pollution, perturbateurs endocriniens et autres substances chimiques nous affaiblissent, nous faisant même entrer dans une forme de rétro-évolution…

L’enjeu majeur pour l’humanité, c’est de s’adapter en quelques dizaines d’années pour pouvoir survivre dans un habitat et des conditions radicalement différentes et soyons clairs, il n’y a pas d’autres moyens que ceux offerts par les progrès techniques.

Le défi est immense, néanmoins il n’est pas le seul pour vous, il y en a un autre qui demande à penser cette évolution dans une vision humaniste …

En effet, le transhumanisme pourrait être porteur de la plus grande inégalité : si nous ne posons pas des cadres, si les États et les gouvernements ne s’emparent pas de ces sujets, nous risquons de créer une humanité à deux vitesses : les riches qui auraient les moyens d’accéder à ces technologies, qui pourraient se « hacker » et survivre, et les pauvres laissés de côté dans une survie permanente. Avec à terme la victoire d’une seule partie de l’humanité, la plus élitiste et la plus riche.

Quand on voit le chemin pris par la Chine qui va vers des manipulations génétiques pour augmenter le QI des fœtus, il est temps de considérer ce sujet comme un sujet majeur. Et je pense que la France doit en faire un sujet de Santé publique, elle dont le système de santé en termes de dispense et d’organisation des soins de santé est reconnu mondialement (Rapport de Santé OMS 2000).

C’est maintenant qu’il nous faut choisir ce que nous voulons, demain il sera trop tard.