Interview de Claire Laval – Présidente de l’Arces et chargée de mission développement de la stratégie digitale de Sorbonne Université – réalisée pour les Femmes de l’ESR
Vous êtes présidente de l’Arces et chargée de mission développement de la stratégie digitale de Sorbonne Université, quels sont les enjeux auxquels doivent faire face les universités à l’ère numérique ?
Le secteur de l’Enseignement supérieur de la recherche doit faire face à de nombreuses mutations : il y a celles induites par la révolution numérique et celles plus sectorielles.
Pour commencer par ces dernières, l’ESR est bouleversé par les rapprochements d’écoles et d’universités, les fusions. Il faut donc réinventer ces nouvelles entités, leur structuration et le management de celles-ci. Le défi est de créer du sentiment d’appartenance pour l’ensemble de la communauté : enseignants-chercheurs, personnels, étudiants et alumni, c’est là un vrai challenge pour les directeurs de la communication.
D’autant plus qu’à ces remaniements d’organisation et de fonctionnement, il faut ajouter des changements structurels liés précisément à cette nouvelle ère numérique. Nous assistons comme le souligne Michel Serre à des mutations du cognitif, du lien social et de l’influence. Ainsi le rapport à la transmission du savoir et aux enseignements est repensé ; nous vivons une accélération temporelle alors que le temps académique est un temps long .
Le communicant vit une époque intense qui lui demande d’être sur tous les fronts : nous devons accompagner le changement, oser disrupter notre métier. J’ai le sentiment que nous sommes des « mutants relationnels » : à la fois propulseurs du changement auprès des audiences les plus réticentes et accélérateurs là où les glissements s’opèrent.
Cette nouvelle définition de notre métier de communicant dans l’ESR est d’ailleurs l’objet d’un livre blanc que nous venons de publier à l’Arces et qui développe 9 scénarios adossés aux enjeux de l’enseignement supérieur. Il propose une vision partagée des évolutions possibles et prévisibles de nos métiers.
Vous êtes justement présidente de l’Arces. Pouvez-vous nous présenter cette association, ses missions et ses ambitions ?
L’Arces est une association nationale qui existe depuis 30 ans. C’est le premier réseau des communicants de l’ESR. Nous regroupons près de 450 membres venant des institutions (écoles de commerce, d’ingénieurs et universités) mais aussi des professionnels de la communication liés à l’enseignement supérieur. Nous sommes organisés régionalement en clubs afin de renforcer les liens de notre communauté répartie sur tout le territoire et ainsi avoir la force du réseau.
Ce réseau est un espace de ressources et de cocréation collective ; nous confrontons sans cesse nos expériences et partageons nos pratiques. Nous avons une réelle ambition de progression individuelle par des réflexions communes afin de faire bouger les cultures et les pratiques. Tous les deux ans nous organisons un colloque pour réfléchir aux enjeux à venir : experts, échanges de pratiques se succèdent pour une acception globale des défis et des problématiques.
Nous proposons aussi 8 séminaires par an dont les thématiques sont variées : gestion de crise, plateforme de marque, relations presse, réseaux sociaux… nous sommes dans une démarche de formation continue.
On a vu des blogs comme #payetafac émerger ou des initiatives pour mettre en lumière les femmes dirigeantes de l’ESR (AFDESRI), vous avez une carrière marquée par le monde de l’ESR, quel constat faites-vous de l’égalité Femmes-Hommes dans l’ESR ? Voyez-vous les mentalités changer tant au niveau des étudiants que des membres académiques ou des dirigeants ?
On a malheureusement l’impression que la réussite des femmes est liée à des injonctions paradoxales et nombreuses qui se trouvent réunies dans cette phrase de Francine Gomez, PDG de Waterman, que je trouve très parlante : « Pour réussir, une femme doit ressembler à une jeune fille, se comporter comme une dame, penser comme un homme et travailler comme un cheval. »
Le principal facteur des inégalités reste « la persistance des stéréotypes de genre ». Mais les mentalités et comportements évoluent petit à petit. Soyons honnêtes, pour que les choses changent radicalement il faut l’impulsion de la gouvernance et de ses équipes. Montrer une réelle volonté de changement en proposant des politiques volontaristes, accompagnées en interne.
Les Millennials sont beaucoup plus soucieux de ces questions, ils nous poussent à agir contre le sexisme ordinaire, à nous emparer du temps des études pour changer les esprits les plus réfractaires et leur faire comprendre que l’égalité femmes-hommes est une chance pour tous.