Mission ? Cofondatrice des Chuchoteuses et de Chut !

La Phrase : « Nous sommes donc face à une possible catastrophe, un retour en arrière sociétal. »

Vous êtes la fondatrice des Chuchoteuses et de Chut ! Pouvez-vous nous présenter ces deux activités ?

Les Chuchoteuses est une agence de création de contenus que nous avons lancée il y a cinq ans avec Aurore Bisicchia, mon associée. Nous sommes spécialisées dans le contenu édito, vidéo et réseaux sociaux. Comme nos clients étant des acteurs concernés par la transformation digitale, nous avons beaucoup écrit sur les technologies. Chemin faisant, nous sommes devenues des « conteuses numériques », essayant d’infuser ce supplément d’âme dans nos contenus pour rendre le domaine des technologies plus accessible, pour montrer derrière les buzz word comme IA ou blockchain qui excitent toutes les plumes, qu’il s’agit avant tout d’expérience.

Guidées par cette idée, nous avons eu envie de faire entendre notre propre voix et de créer notre média, Chut ! Notre ambition, c’est de montrer que la transformation digitale ne concerne pas qu’une poignée de professionnels, elle nous concerne tous, au quotidien comme dans la vie pro. Notre positionnement est inclusif. Nous voulons fédérer toutes et tous autour de ces enjeux de société qui déterminent notre avenir. Finalement, ce ne sont pas tant les technologies qui nous intéressent, c’est l’impact qu’elles ont sur nous tous.

Comment définiriez-vous un contenu réussi ?

On parle beaucoup d’engagement. Ce sont ces contenus qui génèrent des likes, des partages, des commentaires. Ce sont en tout cas les indicateurs utilisés actuellement pour mesurer le succès d’un contenu. Derrière ces chiffres, je crois qu’un contenu parvient à émerger s’il intéresse vraiment sa communauté. Les pros du contenu sont les journalistes, il faut s’en inspirer. Ils cherchent des sujets et surtout des angles, ils savent rédiger un titre percutant, qui suscite l’intérêt, éveille la curiosité. Il faut aller chercher cette curiosité-là chez les internautes, avoir cette exigence, la même que l’on aurait pour soi, leur proposer des contenus qui les interpellent, et pour y parvenir, faire preuve d’un maximum d’empathie, se dire en permanence « est-ce que moi j’aurais envie de cliquer sur cet article, de regarder cette vidéo ».

Vous avez annoncé sur la plateforme KissKissBankBank, où vous avez organisé une collecte pour le magazine papier, que la question des femmes dans la tech ferait l’objet d’un dossier. En quoi est-ce un sujet important pour vous ?

Je peux même vous dire que ce sera la une de notre premier numéro ! Ce sujet est important, parce que les femmes sont très clairement absentes de ce domaine. Dans les métiers dits techniques, (ingénierie, développement web…), elles ne sont que 10 %. Si vous ajoutez la com et le marketing, elles sont un peu plus de 30 %. En parallèle, 42 % des actifs vont voir leur métier disparaître. Nous sommes donc face à une possible catastrophe, un retour en arrière sociétal. Si les femmes ne prennent pas part davantage au débat, si elles ne s’impliquent pas dans ces métiers, elles sont alors exclues de cette nouvelle société qui se construit dès aujourd’hui. Le problème, entre autres, est que les technologies attirent actuellement peu les femmes, elles ont le sentiment que c’est un domaine masculin. Cela est en partie dû à la figure du geek, qui est justement une figure masculine. Il nous paraît donc essentiel de déconstruire cette image, et de traiter ce sujet « les femmes et le numérique », pas seulement avec un article à la marge, parce qu’il faut le faire, comme tout le monde, mais en plaçant cette thématique au cœur de notre ligne édito. Avec Chut ! nous présentons une parité de personnes interviewées, vous trouverez ainsi autant de portraits d’hommes que de femmes. Nous avons aussi des formats vidéo entièrement dédiés à la question, et de nombreux articles qui explorent le sujet. Nous sommes partenaires de la Journée de la Femme Digitale et nous participons aux événements organisés par le Do Tank Digital Ladies & Allies.

Quel conseil donneriez-vous à tous ceux et à toutes celles qui veulent se lancer dans l’aventure entrepreneuriale ?

L’action. Le plus dur, c’est de se lancer, parce qu’on se demande comment faire, par quoi commencer, dans quel ordre progresser. On est parfois dans une forme d’idéalisme, de perfectionniste. Et on se pose une multitude de questions, mais qui restent sans réponse, tant qu’on n’a pas expérimenté. Finalement, l’aventure entrepreneuriale ne ressemble jamais à tous les plans qu’on avait imaginés. Alors, il faut choisir une première action, ce ne sera certainement pas la meilleure, mais elle ouvrira sur de nouvelles idées, elle fera progresser. Pour moi, la clef, c’est ça, c’est faire des choix, agir, tirer les leçons et continuer. Comme on dit dans les technologies “test and learn”. Parce qu’ensuite, le quotidien ce sont sans cesse des choix à faire. Et il faut souvent savoir les faire vite. Alors il faut s’y faire dès le départ ! Et puis faire un maximum de rencontres, de réseau aussi bien sûr. S’entourer de personnes encourageantes aussi. Ça n’a l’air de rien, mais c’est essentiel d’avoir du soutien.

Un conseil de lecture pour cet été ? 

Alors, ce ne sera pas la lecture estivale la plus légère qui soit ! Je découvre en ce moment les théories de l’effondrement, notamment au travers du magazine Yggdrazil qui vient de sortir en kiosque. J’étais très intriguée par cette prise de parole « fin du monde » un peu catastrophique. Mais on parle aussi beaucoup de société résiliente, un terme emprunté en psychologie à Boris Cyrulnik. Alors, je creuse le sujet et je m’aperçois qu’il s’agit d’abord de montrer que c’est notre société industrielle qui est menacée d’effondrement. Et que ces théories proposent de réfléchir à des solutions. Elles ne se contentent pas de tirer la sonnette d’alarme. Elles veulent nous rendre acteur du changement. Elles proposent en quelque sorte un retour à un monde plus vertueux, un monde cyclique qui ne nous désolidarise plus de la nature. Et dans lequel, la fin, la mort donc, est partie intégrante du processus de vie. Bref, cela fait un peu peur au départ, mais c’est une nouvelle réflexion de société qui s’ouvre et elle est passionnante.