Vous êtes Directeur académique d’Audencia et titulaire de la chaire RSE d’Audencia, pouvez-vous nous présenter les engagements pris par l’école quant à l’égalité Femmes-Hommes ?

L’égalité professionnelle est au cœur des problématiques de l’école, et celle-ci se décline à trois niveaux. Tout d’abord, la promotion de l’égalité au sein du corps professoral a été l’une de mes priorités depuis ma nomination il y a 3 ans, car si nous avons autant de femmes que d’hommes dans le corps enseignant, il est important que cette égalité se fasse à tous les niveaux de postes : professeur assistant, professeur associé et professeur. Je suis fier que nous soyons aujourd’hui arrivés à cet objectif. L’égalité professionnelle doit aussi se traduire sur le plan des rémunérations, et ce toute catégorie confondue. Nous avons encore des progrès à faire sur ce point, mais cela fait partie de mes priorités.

Le deuxième volet de notre engagement concerne les étudiants et les étudiantes. Nous avons introduit un module sur l’égalité femmes-hommes dans les cours de management & RH. Il est intéressant d’ailleurs de remarquer que les réactions des étudiantes ont changé au fur et à mesure des années. Quand nous avons lancé le module, les jeunes filles, peu sensibilisées par ailleurs à ces questions, ne mesuraient pas l’ampleur des inégalités. Maintenant que le sujet est devenu un enjeu de société, elles sont plus attentives aux questions soulevées en cours ; les jeunes hommes aussi. Au-delà d’une sensibilisation nécessaire, car ces inégalités sont en elles mêmes inadmissibles, nous leur faisons mesurer les enjeux pour les entreprises : celles-ci se privent de potentiels si elles ne prennent pas en considération le management de la moitié de l’humanité ! Il est primordial de fidéliser les hauts potentiels, quel que soit leur genre. Nos étudiants et étudiantes qui représentent les futures générations de managers doivent y être attentifs.

Enfin nous avons créé il y a 8 ans « Audencia pour elles », qui a pour missions de favoriser le développement des carrières des diplômées Audencia, de développer les échanges et la solidarité entre elles, de faire vivre et faire connaître le réseau des diplômées et de participer activement au débat sur la place des femmes dans l’économie.

En septembre 2017, Audencia a lancé un programme intitulé #Négotraining, pouvez-vous nous le présenter ?

Cette initiative vise à former gratuitement des femmes à la négociation salariale. Nous sommes partis d’un constat, l’écart de salaires entre femmes et hommes est aujourd’hui équivalent à 23% en France. Pour réduire cet écart, l’accompagnement à la négociation est un des leviers majeurs (avec la sensibilisation des entreprises et la lutte contre les stéréotypes). Ce qui est intéressant de noter ici, c’est que les femmes savent négocier : elles le font très bien pour leurs entreprises et pour leurs équipes, mais pas pour elles-mêmes, la raison tient au fait qu’elles n’osent pas se mettre en avant.

#NégoTraining a été inspirée d’une initiative similaire, menée à Boston, que j’ai découverte il y a 2 ans. Je me suis dit qu’on pouvait faire aussi bien, voire mieux sur Nantes. Nous avons donc mis en place une « learning expedition» pour relever les bonnes pratiques et les avons adaptées au contexte français, en travaillant étroitement avec les acteurs du territoire nantais. Nous nous sommes en effet inscrits dans la Plateforme RSE de la métropole nantaise et avons pu mobiliser, tant les réseaux de femmes que les réseaux économiques et les syndicats de salariés.

A travers ce programme, nous permettons à toutes les femmes de la région nantaise de se former pendant une demi-journée à l’art de la négociation. La pédagogie est fondée sur des exercices pratiques et des mises en situation pour être le plus concret possible. Les femmes sont réparties dans des ateliers de maximum 15 personnes co-animé par deux personnes sur la base du volontariat : des femmes des réseaux féminins, des DRH, des syndicalistes, des enseignants-chercheurs, … Pour démultiplier l’initiative, les femmes qui ont suivi la formation peuvent devenir formatrices après un parcours spécifique de formation.

Aujourd’hui, plus de 650 femmes ont été formées et nous projetons d’en former 1 000 avant fin 2018 et 5 000 d’ici fin 2020. Les retours après 6 mois sont plutôt positifs : les participantes retrouvent la confiance. 57 % ont négocié depuis leur atelier (titre, salaire, aménagement du temps de travail…) et seulement 2 d’entre elles n’ont rien obtenu .

Nous avons aujourd’hui des demandes sur tout le territoire français de la part des mairies mais aussi des réseaux féminins. Nous recommandons à chaque fois de s’associer avec un acteur de l’enseignement supérieur.

Enfin, nous allons rendre obligatoire la participation à #NégoTraining pour nos étudiantes. On sait l’importance du 1er salaire et combien l’écart entre les filles et les garçons est important.

Audiencia est l’une des 30 écoles dans le monde championne de la RSE, la loi PACTE qui sera présentée au Parlement à la rentrée instaure officiellement le statut d’ « Entreprises à Missions », pour vous quelles vont être les conséquences ?

Concernant les nouvelles dispositions de la loi PACTE, il reste à voir comment elles vont s’appliquer concrètement. C’est en tout cas une bonne chose d’inviter les entreprises à réfléchir à leur mission et à la manière dont celle-ci se reflète dans leur stratégie et leur gouvernance. C’est bien aussi que la France soit de nouveau leader sur le sujet, comme elle l’a été avec la législation sur le reporting en matière de RSE.